Disney D-Light : Entretien avec le Motion Designer Jean-Paul Faure

Jean-Paul est l’artiste Ă  qui l’on doit les magnifiques projections de Disney D-Light sur Le ChĂąteau de la Belle au Bois Dormant. Il nous rĂ©vĂšle tous les secrets de fabrication de cette fĂ©Ă©rie lumineuse.

Peux-tu nous prĂ©senter ton parcours Ă  Disneyland Paris ?

J’ai commencĂ© fin 2002 en tant que technicien de scĂšne Ă  Disney Village pendant deux ans. C’est alors que j’ai appris qu’il y avait lĂ  un studio de tournage et de montage et, dans la mesure oĂč j’ai une formation de monteur, je suis allĂ© me prĂ©senter et j’ai Ă©tĂ© intĂ©grĂ© dans l’équipe. En 2005, Disneyland Paris Business Solutions m’a proposĂ© de devenir technicien audiovisuel. J’ai occupĂ© ce poste pendant cinq ans, et en 2010, j’ai intĂ©grĂ© le bureau d’étude de Business Solutions comme monteur et motion designer. C’est ainsi que j’ai rejoint l’équipe qui rĂ©alise les mappings des diffĂ©rents Ă©vĂ©nements de Disneyland Paris (sauf Disney IlluminationStar Warsℱ : La CĂ©lĂ©bration Galactique et la saison de NoĂ«l). Nous travaillons essentiellement sur Le ChĂąteau de la Belle au Bois Dormant et The Twilight Zone Tower of Terrorℱ, mais Ă©galement sur Le Galion des Pirates depuis le dernier Halloween, ou encore Skull Rock et Phantom Manor.

Quels sont tes meilleurs souvenirs ?

La rĂ©alisation de la vidĂ©o du Property Management Team des HĂŽtels Disney du 20e anniversaire de notre destination en 2012. Il s’agissait de retracer toute l’histoire de Disneyland Paris, et j’ai choisi avec mon collĂšgue Pascal GĂ©rard de le faire Ă  la maniĂšre de Retour vers le Futur, en reconstituant en vidĂ©o le cockpit de la mythique DeLorean pour voyager Ă  travers le temps ! Le deuxiĂšme souvenir qui me vient Ă  l’esprit est la soirĂ©e Electroland de 2018 pour laquelle j’ai rĂ©alisĂ© l’un des moments clefs de la soirĂ©e. J’avais carte blanche et je me suis amusĂ© Ă  concevoir un programme rĂ©tro futuriste, dans l’esprit des annĂ©es 1980, une Ă©poque que j’aime particuliĂšrement.

Comment prĂ©senterais-tu Disney D-Light ?

Il s’agit d’une toute nouvelle sĂ©quence imaginĂ©e pour le 30e anniversaire de Disneyland Paris et qui sera prĂ©sentĂ©e juste avant Disney Illuminations. Dans Disney D-Light, la star, c’est Le ChĂąteau de la Belle au Bois Dormant, vĂ©ritable icĂŽne de notre destination. Nous avons voulu le mettre littĂ©ralement « en lumiĂšre Â» en rĂ©alisant diffĂ©rents habillages lumineux qui vont Ă©voluer jusqu’au grand final avec les drones dans le ciel. On utilise aussi un certain nombre d’effets, comme les lasers et les jets d’eau, qui apportent un surcroĂźt d’intensitĂ©. Il y a Ă©galement des ajouts de lumiĂšre sous forme de rubans de nĂ©ons disposĂ©s dans les jardins et d’éclairages au niveau des arbres.

Comment as-tu composĂ© cette sĂ©quence ?

J’ai commencĂ© Ă  y travailler en novembre dernier avec Juan Fuentes, le Metteur en ScĂšne du spectacle. Tout est parti d’une sĂ©rie de mots qu’il m’a confiĂ©s tels que « couleur Â», « transparence Â» ou « iridescence Â», et Ă  partir de lĂ  j’ai Ă©laborĂ© un scĂ©nario que j’ai construit pas Ă  pas avec lui. J’ai dĂ©veloppĂ© une approche dĂ©libĂ©rĂ©ment abstraite, qui contraste avec Disney Illuminations, mais en mĂȘme temps, il y a une progression. L’idĂ©e est de faire Ă©voluer cet habillage de lumiĂšre tout au long de la sĂ©quence jusqu’au au grand final avec le ballet de drones.

La musique a une grande importance dans ce spectacle.

Elle a dĂ©terminĂ© l’essence de chaque tableau. Un peu comme pour Fantasia, je suis parti de la bande-son du spectacle pour crĂ©er les images. C’est une magnifique version de la chanson du 30e anniversaire « Un monde qui s’illumine Â» arrangĂ©e pour orchestre symphonique. Elle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e par une soixantaine de musiciens dans les mythiques studios d’Abbey Road Ă  Londres. C’est dire Ă  quel point elle est puissante ! Au dĂ©but, elle est trĂšs douce, et cela m’a inspirĂ© un ciel Ă©toilĂ©. Ensuite, on a des petites notes de piano qui surgissent et j’ai ajoutĂ© comme des spots de lumiĂšre qui viennent Ă©clairer le ChĂąteau. On le dĂ©couvre alors en transparence, comme s’il Ă©tait en verre. Et Ă  mesure que la musique devient plus forte, les lumiĂšres deviennent plus fortes elles-aussi, et l’animation est plus dynamique. C’est vraiment la musique qui a orchestrĂ© les couleurs et l’énergie du spectacle.

Ce qui frappe Ă©galement quand on assiste Ă  Disney D-Light, c’est la force des Ă©motions.

Pour cela, nous avons beaucoup travaillĂ© sur les transitions entre chaque tableau, en nous basant sur les changements dans la musique. L’apparition soudaine de certains tableaux donnera, je l’espĂšre, des frissons Ă  nos spectateurs. Et le moment le plus fort, bien sĂ»r, c’est le dernier tableau. Ce sera un chemin de lumiĂšre qui partira du fond du Central Plaza pour finir dans le ciel. Ce sera spectaculaire ! Du jamais vu dans un parc Disney !

Quelles ont Ă©tĂ© tes sources d’inspiration sur le plan visuel ?

Pour le premier tableau, je me suis amusĂ© Ă  recrĂ©er le chĂąteau que l’on voit au dĂ©but du film Tron L’HĂ©ritage. Je me suis Ă©galement inspirĂ© du travail du studio Moment Factory, basĂ© Ă  MontrĂ©al, et notamment des effets façon « Pixie Dust Â» qu’ils ont utilisĂ©s sur la cathĂ©drale de Reims, qui sont vraiment magiques.

Je me suis enfin inspirĂ© des couleurs et des dĂ©corations en forme de rubans du ChĂąteau de Cendrillon au Magic Kingdom en Floride pour le 50e anniversaire de Walt Disney World Resort pour crĂ©er le tableau du 30e anniversaire, dans lequel les rubans rappellent les mobiles des Jardins FĂ©Ă©riques. Je tenais vraiment Ă  faire rĂ©sonnance avec les autres crĂ©ations du 30e anniversaire. C’est vraiment mon moment prĂ©fĂ©rĂ©.

Quels sont tes outils de travail ?

Tout se passe sur ordinateur. Je travaille avec des logiciels comme After Effects, Cinema 4D ou encore Elements 3D.

Le ChĂąteau de la Belle au Bois Dormant n’est pas un support comme les autres. Comment l’as-tu approchĂ© ?

Le ChĂąteau est un support magnifique, mais trĂšs complexe Ă  travailler. Quand on conçoit des projections sur sa façade, il vaut mieux se concentrer sur une vision d’ensemble car si on cherche Ă  mettre trop de choses, cela peut vite devenir illisible. Ce qui n’empĂȘche pas de rajouter ici et lĂ  des dĂ©tails et mĂȘme des surprises
 mais je n’en dis pas plus. Ce sera Ă  vous de les dĂ©couvrir ! Avec Disney D-Light, on verra le ChĂąteau comme on ne l’a jamais vu, avec beaucoup de textures originales : de la transparence, des reflets de lumiĂšre, ou encore un cĂŽtĂ© iridescent.

Comment le ballet des drones s’intĂšgre-t-il dans ce programme ?

À ce moment, le ChĂąteau sera au noir pour mieux les mettre en valeur. Ils partiront du sol pour monter jusqu’au ciel et faire leur ballet. Ce sera magique ! Ils apparaĂźtront Ă©galement juste aprĂšs Disney Illuminations, dans un after-show dont le mapping est en quelque sorte un condensĂ© de l’ensemble des tableaux de Disney D-Light.

Qu’as-tu ressenti en dĂ©couvrant Disney D-Light pour la premiĂšre fois ?

C’était au cours des tests que nous avons rĂ©alisĂ©s Ă  partir de dĂ©but janvier. C’est toujours un moment stressant, d’autant plus que notre direction Ă©tait prĂ©sente pour le tout premier. Au final, tout s’est trĂšs bien passĂ© et tout le monde a Ă©tĂ© conquis. L’émotion Ă©tait palpable dĂšs le dĂ©part. J’ai fait quelques retouches par la suite, ajoutĂ© de petits effets supplĂ©mentaires, et maintenant la version finale est fin prĂȘte Ă  ĂȘtre dĂ©voilĂ©e au public ! Je suis trĂšs impatient de la faire dĂ©couvrir Ă  nos visiteurs. Ce sera Ă  n’en pas douter le point d’orgue de leur journĂ©e sur le parc !

Kinai
Disney et moi, c’est une longue histoire d’amour. Je suis tombĂ© dedans petit, et je n’en suis jamais ressorti. Du cinĂ©ma aux parcs d’attractions, en passant par l’histoire de Walt Disney Company, jusqu’aux BD, tout me passionne.